Bed Rock

Camille Lütjens

 It’s only a fucking sign

Lorsque Camille Lütjens me parle des pièces qu’elle présente à la Placette, pour sa première exposition solo “Bedrock” (dont le titre signifi e les fondements, la base), je pense à un sujet quim’anime beaucoup : l’immaturité. Par “immaturité” j’entends un ensemble de qualités esthétiques et conceptuelles performées par un individu ou par le biais d’une pratique. J’envisage l’immaturité de manière positive, dans une perspective émancipatrice et critique.

Si ces spécificités plastiques et conceptuelles “immatures” me viennent à l’esprit, c’est parce que Camille Lütjens porte des T-shirts de métal dont elle ne connaît pas les groupes ni les paroles, mais dont la typo est cool et parce qu’elle en collectionne des centaines de pochettes de CDs. Cependant, son approche des signes n’est pas seulement cosmétique, il s’agit d’une posture, d’une certaine vénération de ses rockstars du monde de l’art et d’amour pour l’amateurisme, générant des formes et suscitant la curiosité. L’immature, se donne la liberté d’être exaltéex, d’être unex fan, d’être déçuex, d’être « trop » ou informe.

A-t-on à faire, avec “Bedrock” et plus particulièrement avec “Sweat, Cry, Work, Sweat”, à un commentaire sur la marchandisation du productivisme et de la fatigue? Alors que cette dernière est souvent le fruit du labeur imposé par le capitalisme, le marché du sommeil fait en sorte de trouver un public prêt à y investir afi n de “mieux” performer ce même labeur qui épuise. C’est un serpent qui se mord la queue, comme l’indique la répétition dans le titre de la pièce.

L’installation “Billboard of Broken Dreams” est-elle un clin d’oeil aux Letterheads, le groupe de sign painters, les peintres “punk” invisibles que Camille Lütjens aime tant? Est-ce une manière d’entrer en communication avec d’autres peintres ? Se moque-t-elle de ses propres ambitions?

Il est presque impossible de savoir si et quand l’immature endosse un costume ou non, le vrai est difficilement dissociable du faux. Quand est-ce que l’emphase est fabriquée, quand est-elle sincère? La pratique de Camille Lütjens pourrait bien être du côté d’une sorte d’inachèvement immature, débouchant sur des formes complexes, parfois humoristiques en regard d’un contexte économique et social autant fascinant que monstrueux.

 Nastasia Meyrat

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Photographie: Guillaume Python