Superb visibility all round
Alice Peach & Francesco De Bernardi
Une boule de cristal transparente roule dans la rue.
Elle est remarquée par quelques personnes, mais personne ne la touche ni ne la ramasse.
Un petit garçon voit la sphère et court la regarder. Il la ramasse et se rend compte qu’elle est plus lourde qu’il ne le pensait.
Il approche un de ses yeux de la sphère et voit comment elle affecte sa vision.
Il rentre chez lui, la boule à la main, la pose sur la table de nuit, se glisse dans son lit et s’endort.
Au milieu de la nuit, il se réveille pour aller aux toilettes.
Il lève les yeux vers la boule de cristal : le petit monde transparent est là, légèrement lumineux dans l’obscurité, plus grand que sa main, mais plus petit que sa tête.
Il a une envie inexplicable de briser cette sphère, de voir ce qu’il y a à l’intérieur de ce micromonde, mais il sait que ses parents seront en colère…
Il essaie de s’endormir, mais il n’y arrive plus…
Il ne pense qu’à trouver un moyen de briser la sphère.
Il décide d’aller discrètement au premier étage, serrant la boule de cristal dans ses petites mains. Il monte doucement dans l’escalier pour ne réveiller personne et entre dans la grande salle de bain au bout du couloir. Il ouvre la fenêtre et regarde en bas. Le sol est en béton.
Cela devrait briser la sphère.
Tout le monde entendra,
Il regarde le sol une dernière fois. le béton est noir d’ici. il n’a jamais regardé en bas d’ici auparavant. Il ferme les yeux et lance la balle.
La sphère s’écrase contre le béton, se brisant comme un ballon d’eau en verre.
Le petit garçon court au rez-de-chaussée, ouvre la porte d’entrée de la maison et se dirige vers la centaine d’éclats de verre éparpillés sur le béton gris. Ils sont éclairés par un lampadaire situé au loin.
Il ramasse l’un des éclats de verre et le regarde.
Il continue de voir à travers, c’est comme la balle, mais cassée, se dit-il.
Alors qu’il ramasse un autre morceau, le premier morceau lui coupe le doigt et le garçon commence à saigner. Son premier réflexe est de crier à l’aide, mais juste avant d’entamer cette procession, il s’arrête.
Il vaut mieux pleurer en silence, se dit-il. Être puni par ses parents et saigner, c’est pire que de ne pas être puni et de saigner.
Alors il ne pleure pas,
Il est fier de contrôler ses pleurs.
Il prend un autre fragment, regarde a travers, et se coupe l’autre main. il saigne à nouveau. il ne pleure pas.
Sous le lampadaire, l’enfant commence à sentir son corps, il commence à grandir, il cesse d’être un enfant.
Sous le lampadaire, l’enfant a compris qu’un peu de douleur fait du bien, si personne ne l’écoute.
Sous le lampadaire, avec les gouttes de son sang qui éclaboussent le béton, le petit garçon voit pour la première fois de sa vie ce qu’est la liberté.
Louis Dambrain
Photographies : Guillaume Python